Cet article appartienne à la série : « L’image et la stratégie global de contenu »
Nous avons tous une compréhension intuitive de ce qu’est une image. Sa définition devrait être simple, toutefois les controverses sont nombreuses.
Selon les racines étymologiques :
- Du latin « imago » : figure, l’ombre, l’imitation
- Du grec « eikon » : icône portrait.
Dans une approche plutôt sémiotique, pour Charles S. Pierce, l’image signifie :
« Tout signe qui à l’origine porte une certaine ressemblance avec l’objet visé »
Pierce fait une distinction des images en terme de sa relation avec l’objet auquel il se réfère : symbole, icône, indice. D’un autre côté, Abraham Moles, précurseur des études en sciences de l’information et de la communication, définit l’image comme :
«Un support de communication visuelle incarnant un fragment de l’univers. »
Et Humberto Eco affirme que l’image donne un sens à presque tout ce que notre œil peut voir (Eco, 1989). Les images peuvent être manipulées ou non, dans le but de avoir une perception spécifique. Le concept perception, implique de recevoir certains stimuli dans un domaine et les coordonner, sur une base apprise. Sur ce sujet, Umberto Eco dit dans son ouvrage « La estructura ausente » :
« Les signes iconiques reproduisent certaines conditions de la perception de l’objet, mais après avoir sélectionné les codes de reconnaissance et le cas échéant enregistrés comme conventions graphiques. » (Eco, 1989)
Et finalement, selon le Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, l’image est une :
« Représentation d’un ou de plusieurs êtres ou d’objets par le dessin, la peinture, la sculpture, la gravure, la photographie, la cinématographie, etc. »
Les images, alors, ne ressemblent pas à l’objet, mais aux conditions de perception de l’objet. Et la lecture est très fortement influencée par le langage verbal. Munari dit :
« Chacun voit ce qu’il sait » (Munari, 1985).
Bruno Munari introduit le système de codes dans la lecture du visuel. Bien entendu, le langage visuel appartient au genre des langages non structurés, de sorte que parler de la grammaire de l’image, est juste une métaphore. Il n’y a donc pas de grammaire ou de langage visuel puisqu’ils ne sont pas sensibles à la spécificité du langage verbal ou écrit.
Donc comme affirme Prieto Castillo (Prieto Castillo, 1999) chaque image est une construction, et en effet il n’y a pas de «représentation objective de la réalité ». Même dans la photographie documentaire, car :
« Une photographie transmet toujours moins que la réalité, mais en dit toujours plus. Moins parce qu’elle capture un seul aspect de la question, elle ne peut donc jamais le recréer dans toute sa richesse. Et plus parce qu’elle comprend l’intention du communicateur. »
Nous constatons que la construction des messages visuels porte toujours une intention de communication. Les objets visuels sont produits afin de communiquer quelque chose à quelqu’un. Et la communication aura du succès si le destinataire peut décoder le message correctement. Et correctement signifie bien : selon les intentions communicatives de l’émetteur.
Donc, lors de l’utilisation des images pour construire des messages visuels, nous devons nous rappeler que : nous pouvons communiquer avec des images uniquement des expériences communes. Les images ne parlent pas d’elles-mêmes, et souvent leur sens est limité par un texte indiquant de quelle façon il doit être lu.
Les caractéristiques de l’image
L’image est généralement polysémique, sa lecture est multiple et implique plusieurs significations (Lectura de la imagen, 1997). Par conséquent, il est nécessaire de distinguer :
- la lecture dénotative : identification des éléments des images et description de leurs représentations sans intégrer de valeurs personnelles (sémiotique).
- la lecture connotative : interprétation du signe-image (sémantique)
Francisco Gutierrez, spécialisé dans la communication visuelle et la pédagogie, considère les caractéristiques suivantes pour l’image (Gutiérrez Pérez, 1976):
- L’image est une représentation de la réalité : bien qu’elle soit liée analogiquement à l’objet qu’elle représente, elle se distingue par sa réalité différente.
- L’image immédiate : l’image s’impose fortement grâce à son attraction et son immédiateté perceptive. Selon l’auteur : « cette immédiateté provoque un comportement empathique, c’est pourquoi les médias génèrent des attitudes de participation. »
- L’image est un mode d’expression : elle est un moyen de communication existant depuis les temps les plus reculés.
- L’image est significative : elle a toujours une intention et est chargée de multiples possibilités de communiquer un message.
Aujourd’hui, les médias sociaux deviennent d’excellents supports de communication, car ils permettent implémenter les caractéristiques des image et créer une communication adaptée à leur public. Ces images sont destinées à atteindre une cible avec de multiples finalités : informer, convaincre, impacter, entre autres.
Les fonctions de l’image
Il faut faire aussi la distinction des fonctions différentes, dépendant de la finalité du processus de communication visuelle, à voir :
- La fonction expressive ou émotive : cette fonction vise à transmettre des émotions. Ce sont des images utilisées avec un but émotif.
- La fonction d’appel cognitive ou exhortation : c’est lié à la persuasion, visant à convaincre. Les messages publicitaires sont les utilisateurs ultimes de cette fonction.
- La fonction référentielle ou informative : son but est d’informer en utilisant des images, pour illustrer un texte ou une histoire.
- La fonction poétique ou esthétique : implique la recherche de la beauté artistique, le sens esthétique.
- La fonction phatique : qui vise à attirer l’attention. Dans ces images l’utilisation des contrastes de couleurs et de typographie de différentes tailles est très courante.
- Fonction métalinguistique : c’est la fonction qui fait référence au code, vous devez connaître le code pour donner un sens.
- Fonction descriptive : elle fournit des informations détaillées et objectives sur ce qu’elle représente, comme les dessins scientifiques ou les cartes.
La conception de l’image : le graphisme
Comme bien l’avait dit Jacques Bertin l’habilité du design n’est pas innée, mais elle peut être acquise par la pratique et la réflexion. En effet, il y a des propriétés des images qui peuvent être apprises et partagées et qui aident à mieux interpréter l’information transmise par les images. Pourtant, elle reste une qualité, une chose à développer. Pour exploiter cette qualité il faut de l’apprentissage continu et de la pratique, car il est très difficile de l’acquérir uniquement par intuition.
La créativité, l’innovation et la pensée latérale sont des compétences clés pour la performance d’un graphiste. Cependant, ces compétences ne sont pas nécessaires dans l’exercice de toute profession et la conception graphique, mais il est absolument nécessaire pour la bonne exécution du travail de conception.
Le rôle joué par le graphiste dans le processus de communication est de codeur du message. Il travaille dans l’interprétation, l’organisation et la présentation des messages visuels (ou la transcription, le traitement et la construction définis par la sémiologie graphique de Jacques Bertin). Sa sensibilité à la forme doit être parallèle à sa sensibilité au contenu. Un travail qui a à voir avec la planification et la structuration de la communication, avec leur production et leur évaluation.
Le travail de conception part toujours d’une demande linguistique, orale ou écrite. En effet, le graphisme transforme un message linguistique en message visuel. Cependant, le graphiste travaille aussi avec les mots car il crée rarement des messages exclusivement non verbaux. Parfois, les mots apparaissent brièvement, et dans d’autres cas apparaissent comme un texte complexe, mais il faut toujours contextualiser le message visuel.
Le graphiste professionnel est un spécialiste en communication visuelle et son travail est lié à toutes les étapes du processus de communication, car l’action de création et de conception d’un objet visuel n’est clairement qu’un aspect de ce processus.
Les étapes du processus de la communication visuelle comprennent :
Figure 1:6 « Processus de la conception de la communication visuelle » (Leire Carrera)